Tout est précis, minutieux. Cette mèche dégagée à la pointe du peigne, lautre fixée grâce à un spray de laque. Derrière ses lunettes rondes et avec un geste assuré Shuco crée une coiffure et rend les photos de modes uniques.

Chanel, Hermès, Petit bateau, Grazia, VogueShuco travaille avec des marques et des magazines de renom comme hair stylist, « styliste pour cheveux ». Rien à voir avec le rôle du coiffeur, qui coupe et structure les cheveux en cherchant avant tout à embellir. Ou du moins pas tout à fait. Shuco nembellit pas vraiment, elle raconte. « Cela doit dire quelque chose de la personne, dépeindre une situation, une personnalité. »

La créatrice japonaise imagine ainsi la coiffure dune jeune femme qui se baladerait en forêt ou flânerait en bord de mer. « Les créateurs français me demandent souvent de coiffer les mannequins comme si elles venaient de faire l’amour », note aussi la styliste de 32 ans dans un français timide.

Les premiers pas à Kyoto

Autant dire que limagination est de mise pour exercer ce métier. La sienne, elle la puise partout, même lorsquelle prend le métro, guettant les excentricités capillaires des Parisiens. Mais la technique fait aussi partie du travail. Shuco la apprise au Japon. Étudiante aux Beaux-Arts de Kyoto, elle a 20 ans lorsquelle commence à travailler en parallèle de son cursus dans un salon de coiffure pour se faire la main.

Cest à cette période quelle rencontre un coiffeur qui officie sur des défilés de mode. Il lui présente un ami. Qui deviendra bientôt son mentor. « À 23 ans, je suis partie pour l’assister à Paris, je ne savais pas trop où j’allais, je ne parlais pas français. Au départ, j’étais hébergée chez mon patron et je l’aidais en plus de mon activité d’assistante en gardant ses enfants », se souvient la créatrice.

progressivement des contacts. Elle apprend les méthodes. « Comme par exemple utiliser de l’eau sucrée que l’on vaporise sur la chevelure pour donner un effet collant. »

Le bouche-à-oreille aidant, elle se lance à son compte. Shootings, défilés, couvertures de magazine La petite et fluette Shuco débarque avec une armada de brosses, de fers à friser ou défriser, de sprays de laque, de cires, d’extensions, et son sourire pour transformer l’auréole capillaire des mannequins.

Derrière l’œil du photographe

Avant une séance, elle se renseigne sur le travail du créateur, pour voir ce quil aime, le type de coiffure quil privilégie. Pendant le shooting, elle place son œil derrière celui du photographe pour capter le moindre élément perturbateur. « La raie est-elle bien au milieu ? » « Est-ce que l’on voit assez la boucle d’oreille ? ». Ce dimanche après-midi chez la créatrice de bijoux Ader, la simplicité est de rigueur.

« L’important c’est le rendu de la photo, assure-t-elle. Cela peut être très différent sur l’écran et dans la réalité. » Elle prend lexemple des publicités pour shampoing, où les mannequins apparaissent avec une chevelure dense et soyeuse. « Pour la photo, on ajoute plusieurs paquets d’extensions. Si l’on portait cette coiffure en réalité, cela ferait juste énorme. »

Si elle a fait de lart capillaire son métier, cest quelle a saisi combien une coiffure pouvait transformer la silhouette. Petite fille, Shuco souffrait d’alopécie. Elle perdait ses cheveux par endroits. « Cela m’a beaucoup complexé. J’essayais de le cacher. »

Réussir à les dompter, sur elle comme sur les autres, cest un peu sa revanche. Ponctuellement, elle propose dailleurs de couper gratuitement les cheveux afin den faire don à une association qui réalise des perruques. Pour que la coiffure soit au service de la mode mais pas seulement.